Quels moyens l’enseignement explicite met-il en œuvre pour développer l’autonomie des élèves ? Comment y contribue-t-il tout au long de leur scolarité ? Marie Bocquillon – chercheuse pour l’Institut d’administration scolaire de l’université de Mons – fait le point sur les bénéfices de cette approche pédagogique pour l’autonomie des élèves.
Pour approfondir vos connaissances sur l'enseignement explicite, retrouvez également la vidéo « L’enseignement explicite : trois étapes vers l’autonomie ».
Marie Bocquillon : L’autonomie de l’élève en classe, on pourrait définir ça de manière assez pragmatique, comme étant le fait de réussir une tâche seul et sans aide. Ça, c’est quand on se situe au niveau de l’apprentissage des contenus. Donc réussir seul et sans aide une tâche cognitive inscrite au programme et qui fait donc partie, on va dire, des finalités éducatives d’un système éducatif. On peut aussi parler de l’autonomie sur le plan comportemental, et donc ce serait un peu la même chose. Ce serait d’être capable de mettre en œuvre un comportement qui incarne certaines valeurs, comme par exemple la solidarité, de manière autonome et sans aide. Comportement qui aurait été au préalable enseigné de manière explicite par l’enseignant. Pour développer l’autonomie des élèves lors des leçons en classe, l’enseignement explicite propose différents moyens. Par exemple, trois étapes de cette démarche, que sont le modelage, la pratique guidée et la pratique autonome, comme le nom l’indique, ça vise vraiment à développer l’autonomie des élèves au travers d’une démarche en étapes où c’est d’abord l’enseignant qui va montrer aux élèves comment faire. Il leur donne les clés, les pistes pour comprendre. Il ne les laisse pas découvrir les concepts par eux-mêmes, parce qu’on sait que ça peut poser difficulté à certains élèves. Et ensuite, dans le cadre de différents types de pratique – guidée et autonome –, les élèves vont s’exercer à réaliser les tâches en étant accompagnés par l’enseignant. Et donc ça, ce sont d’autres moyens encore à l’intérieur de ces étapes, ce sont des gestes professionnels posés par l’enseignant, que sont notamment le fait de vérifier la compréhension des élèves, de leur donner des feedback. La rétroaction est vraiment importante dans ce modèle, et de l’étayage, donc de leur donner des aides. Et cette aide, elle va être retirée au fur et à mesure. Elle est forte au début et elle est retirée au fur et à mesure que l’élève progresse, qu’il devient plus compétent, plus autonome. Pour développer l’autonomie des élèves au cours de la scolarité, l’enseignement explicite propose différents moyens. Par exemple, il ne faut pas négliger l’importance de la consolidation des apprentissages, c’est-à-dire qu’au-delà d’une leçon où l’enseignant est notamment passé avec les élèves par les étapes de modelage, pratique guidée et pratique autonome, eh bien, lorsque l’élève réalise des tâches seul, en pratique autonome, ça ne suffit pas. Il faut prévoir ensuite des occasions de révision, des nouvelles occasions de pratiquer les apprentissages. Et par exemple, il faut éviter de faire des révisions qui sont massées à la fin d’une leçon. Et après, on ne revient plus jamais sur un apprentissage. Il faut plutôt voir ça comme des occasions de pratique distribuées dans le temps, où régulièrement, on va réviser les apprentissages avec les élèves. Et on va le faire aussi de manière cumulative. On ne va pas le faire uniquement dans le cadre de la leçon A, on revoit les apprentissages A. Et puis c’est cloisonné. Et puis, dans le cadre d’une autre leçon, on reste uniquement sur cette leçon. On peut aussi voir des occasions de pratiques cumulatives où on revoit plusieurs apprentissages en même temps. Donc ça, c’est un moyen. Un autre moyen important, c’est l’importance d’une bonne planification de leçons. Bien réfléchir à dans quel ordre on va séquencer les apprentissages. Dans un enseignement explicite, on va les séquencer du simple vers le complexe. Pour que les élèves, un peu de manière cumulative, un peu comme une boule de neige, ils puissent toujours se baser sur leurs prérequis. Et puis on construit les apprentissages comme ça, de manière cumulative. Un autre moyen, c’est d’harmoniser les pratiques des enseignants au sein d’un établissement. Si les différents enseignants se mettent d’accord sur les routines de classe, les règles de la classe et de l’école, etc., on peut imaginer que les élèves deviennent de plus en plus autonomes parce qu’ils n’ont pas, à chaque année, à devoir se remettre dans les attentes d’un nouvel enseignant. Et donc ça, ça développe leur autonomie également. Donc ça, ce sont plusieurs moyens au-delà des différentes étapes dont j’ai déjà parlé : modelage, pratique guidée et pratique autonome. Et donc ce qui est vraiment important aussi, c’est de se dire que l’autonomie, c’est un objectif. C’est ce que l’on vise. On ne doit pas attendre que nos élèves arrivent déjà autonomes et donc ça se travaille tout au long de la scolarité. Donc, par exemple, on développe certains objectifs avec nos élèves de CP. Il ne faut pas imaginer qu’après l’autonomie est acquise une fois pour toutes. Ça se retravaille aux différents moments de la scolarité par palier, de manière progressive et adaptée aux élèves.