Julien Delaballe
J’ai découvert l’enseignement explicite en éducation prioritaire avec, au début, une confusion entre différentes situations.
On évoquait l’implicite dans les textes littéraires, l’enseignement explicite, enseigner plus explicitement aussi, des termes qu’on retrouvait dans les programmes, dans les référentiels de l’éducation prioritaire.
Et pour moi, cet ensemble était assez confus.
En utilisant l’outil Lectorino et Lectorinette de Sylvie Cèbe et Rolland Goigoux, ça m’a permis de distinguer le travail à faire sur les inférences, donc sur les implicites littéraires, et enseigner explicitement qui va amener l’enseignant à faire travailler des élèves sur des procédures à acquérir.
Et ça, pas uniquement dans le domaine de la compréhension en lecture, mais vraiment sur l’ensemble des champs disciplinaires, comme la résolution de problèmes mathématiques ou l’analyse d’un document en dehors des textes littéraires.
Donc, pour moi, l’enseignement explicite, ça va vraiment être d’amener les élèves à identifier les procédures qu’ils utilisent pour réaliser les tâches.
Ces procédures reposent sur des connaissances que les élèves ont mais qu’ils ne savent pas aller chercher a priori.
Donc il faut les aider à ça.
Ensuite, ça doit leur permettre de reformuler l’énoncé, de reformuler la tâche pour être sûr qu’ils en cernent bien tous les contours.
Et puis, enfin, ça doit leur permettre de se créer une représentation de ce qu’il y a à faire, pour que, avant même de commencer, ils aient une idée de ce vers quoi ils doivent aller.
En classe, pour travailler explicitement, on travaille surtout à partir des interactions langagières avec les élèves.
Il y a des questions qui sont autour de la question « comment ? » : Comment est-ce que tu vas faire ? Comment est-ce que tu fais cette tâche ? Et puis les questions autour du « but ».
À quoi va ressembler ton exercice quand tu auras fini ? Qu’est-ce qu’on attend de toi dans cet exercice ? Comment est-ce que tu veux savoir que tu auras réussi ? Dans la préparation de la séance, il faut être très au clair avec la procédure vers laquelle on veut mener les élèves.
C’est-à-dire qu’il faut se la décrire pour soi-même très précisément.
Et c’est en ayant ça en tête qu’on va pouvoir guider les élèves, toujours à travers le questionnement, pour qu’eux-mêmes arrivent à dégager cette procédure et qu’ils se l’approprient dans les tâches qu’ils auront à réaliser ensuite.
C’est vraiment un travail de réflexion que moi je n’avais pas l’habitude de construire.
Souvent, on se donne un objectif principal.
On a une idée globale de la façon dont les élèves vont y arriver, mais sans se le formuler pour soi-même, très précisément.
Et c’est ce que j’ai eu besoin de faire pour pouvoir mener cet échange avec les élèves.
Ce questionnement qu’on conduit avec les élèves doit les amener à comprendre, par exemple, qu’on n’est pas en train de faire du calcul, mais qu’ils sont en train d’apprendre à calculer rapidement à partir des faits numériques qu’ils ont mémorisés.
La plus-value de l’enseignement explicite pour les élèves, ça va être de les placer dans une posture réflexive pour qu’ils prennent conscience de ce qu’ils sont en train d’apprendre.
Avec les élèves les plus avancés, leur permettent d’avoir une meilleure conscience de la façon dont ils fonctionnent, des procédures qu’ils utilisent.
Donc ça, ça renforce leur apprentissage et ça leur permet ensuite d’aller aider d’autres élèves qui peuvent être en difficulté, donc de renforcer la coopération.
Et puis, pour les élèves les plus fragiles, il y a plusieurs bénéfices.
En enseignant de façon plus explicite, on lève les difficultés de certains élèves.
Donc ça leur permet d’être plus persévérants et de gagner en motivation.
Ça leur permet de s’engager plus facilement tout seuls.
Donc ça les autorise à être autonomes.
Et c’est une confiance qui s’installe.
Confiance de l’enseignant envers ses élèves.
Mais aussi, pour eux, une confiance en eux et en leur capacité de réussir, ce qui est vraiment très important, en particulier en éducation prioritaire, pour que les élèves s’engagent dans leurs apprentissages.
Ensuite, grâce à cet enseignement explicite, comme les attentes sont mieux identifiées, les élèves se lancent plus facilement tout seuls.
Donc, de façon plus autonome, ils ont moins d’hésitation et ils reviennent ensuite davantage vers l’enseignant pour des aides qui sont plus précises, qui sont un petit peu moins d’ordre général.
On a moins de questionnements d’élèves qui reposent sur : « je n’y arrive pas » et « j’ai moins compris ».
Mais ils ciblent davantage leurs questions sur : « Qu’est-ce que je dois faire à ce moment-là de l’exercice ou dans cette tâche ? » En tant qu’enseignant en éducation prioritaire, j’ai trouvé deux bénéfices à enseigner plus explicitement.
Le premier, c’est qu’on perçoit qu’il y a une inadéquation, souvent, entre ce que les élèves sont capables de faire et leur réussite réelle.
Avec cet enseignement explicite, on remet un petit peu à égalité leurs capacités et leur réussite.
C’est-à-dire que les élèves arrivent à exploiter pleinement ce qu’ils sont capables de faire, ce qui est souvent plus difficile à conduire quand on enseigne en éducation prioritaire avec des élèves qui ont parfois un peu intériorisé d’être en difficulté.
Le deuxième bénéfice à cette pratique d’un enseignement plus explicite ? Moi, je constatais que j’avais tendance parfois à baisser un peu mes attentes et les exigences que j’avais pour répondre aux difficultés des élèves.
Et en enseignant plus explicitement, ça m’a permis de retrouver un niveau d’exigence qui était celui que je souhaitais apporter à l’enseignement que je conduisais avec ses élèves.
Et ça redonne aussi confiance en sa capacité à conduire des apprentissages avec des élèves, quelles que soient leurs difficultés.