Catherine Hurtig-Delattre :
La coéducation, c'est l'idée d'une mutualisation, d'un partage, entre les différents acteurs qui entourent l'éducation d'un enfant.
Donc, les parents, bien entendu tout d'abord, qui sont les premiers éducateurs, mais également tous les autres professionnels qui vont intervenir dans l'école et en dehors de l'école, également dans le soin, le loisir, tous les différents acteurs.
Cette idée est relativement nouvelle, en tous cas dans l'école puisque l'école, en tout cas l'école républicaine, s'est construite plutôt dans une idée de cloisonnement avec les familles d'un côté, et l'école de l'autre côté.
Aujourd'hui, on pense donc à une responsabilité qui se partage pour accompagner au mieux l'enfant ou le jeune.
C'est un partage qui est important puisqu'il s'agit de réfléchir ensemble à ce qui est le mieux pour cet enfant ou cet élève, mais qui est aussi limité puisqu'en fait, les familles gardent leur liberté éducative, et l'école garde sa liberté pédagogique.
Donc les professionnels dans l'école, et particulièrement les enseignants, ne sont pas habitués à cette posture de mutualisation avec les parents.
Donc il va falloir qu'ils prennent un certain nombre de postures différentes pour favoriser effectivement cette coéducation, et en tout premier lieu, l'explicitation et la coopération qui ne vont pas forcément de soi.
Expliciter, cela va être expliquer aux parents comment fonctionne l'institution scolaire qui n'est pas facilement lisible par eux.
Et puis coopérer, cela va être faire œuvre commune pour accompagner ensemble l'enfant, l'élève, dans son chemin scolaire.
Tout cela ne sera pas facile parce qu'il y a une asymétrie entre les professionnels et les parents, qui est normale : les professionnels sont des experts dans leur métier et les parents sont des experts dans leur famille, mais ces deux expertises ne sont pas à égalité.
Et puis les parents viennent dans le cadre de l'école : c'est un cadre organisé par les professionnels.
Donc il y a parfois du surplomb ou des attitudes qui sont compliqués pour les parents.
Et un concept qui est très aidant, c'est l'idée de parité d'estime, c'est-à-dire qu'on n'est pas dans la fusion, on n'est pas ici pour essayer d'être toujours d'accord ou d'aller toujours dans le même sens, ni dans la confusion des rôles, mais on est dans la reconnaissance réciproque de l'idée d'une compétence, de part et d'autre.
Concrètement, les enseignants, sur le terrain, mais également les autres professionnels des structures, par exemple périscolaires, vont mettre en place un certain nombre de dispositifs pour favoriser cette coéducation.
Et ces dispositifs vont répondre à plusieurs objectifs.
Souvent ces dispositifs ne sont pas très pensés, et, petit à petit, avec le changement de posture, les professionnels vont être amenés à développer des gestes professionnels pour mettre en place ces dispositifs, de la même façon qu'ils préparent leurs classes ou leurs activités périscolaires.
Alors ces dispositifs, on peut les regrouper avec quatre grands objectifs qui vont être : accueillir, informer, dialoguer et impliquer.
Chacun de ces leviers a son importance et demande, effectivement, des gestes professionnels, qui vont mettre en œuvre, notamment, la parité d'estime.
Alors le premier, c'est l'accueil.
L'accueil est extrêmement important : il est au moment de la première inscription, et également tous les jours dans l'établissement scolaire.
C'est là où l'on passe le message à la fois aux parents qui sont les bienvenus, et à la fois qu'il y a des règles pour faire fonctionner ce dialogue.
Ensuite, le deuxième, disons, levier, ce sera l'information.
L'information est opérationnelle, fonctionnelle, obligatoire.
En même temps, il importe de se demander : est-ce que l'information arrive bien jusqu'aux parents d'élèves ? Et pour cela, est-ce qu'on l'a adaptée aux besoins des parents en fonction du contexte dans lequel on travaille ? Le troisième levier, ce sera le dialogue.
C'est le creuset de la parité d'estime.
À ce moment-là, on met en place des instances pour dialoguer avec les parents.
Et il y a beaucoup de questions à se poser.
Est-ce qu'on les a suffisamment bien accueillis pour ce dialogue ? Est-ce qu'on les écoute ? Est-ce qu'on a de la place pour leur parole et leur point de vue, qui va être, dans la démarche coéducative, un point de vue souvent différent et il va donc falloir s'accorder sur ces différents points de vue.
Puis enfin, l'implication qui est celle qui est souvent la plus attendue par les professionnels et qui va être de différents ordres.
L'implication individuelle qui consiste à suivre son enfant dans son travail scolaire, bien entendu, qui est demandée à tous les parents.
Et puis un tas d'autres formes d'implication qui sont actuellement développées dans des établissements, mais qui restent facultatives pour les parents, qui sont donc d'ordre plus convivial, avoir des temps festifs, par exemple, dans les établissements ; d'ordre institutionnel, lorsque les parents sont représentés dans les instances ; d'ordre pédagogique, lorsque les parents sont invités à participer, par exemple, à des temps de l'école ; et d'ordre culturel lorsque les parents sont invités à entrer dans l'école pour apporter des éléments.
Tous ces dispositifs se conjuguent ensemble.
Ils sont foisonnants.
En même temps, les enseignants sont parfois déçus parce que les parents ne répondent pas toujours à la hauteur.
Je pense qu'il est important de se souvenir que les parents, pour s'impliquer, doivent être déjà accueillis et informés.
La coéducation, c'est un véritable levier pour bien vivre à l'école puisque cette responsabilité partagée, finalement, c'est une aventure commune pour éduquer ensemble les enfants.
En fait, c'est un réel changement de paradigme historique à l'intérieur de l'institution scolaire.
Donc cela ne va pas de soi, cela va demander des efforts aux professionnels.
Il s'agit donc d'ouvrir la porte, et en même temps, on voit bien qu'il ne suffit pas d'ouvrir la porte parce que quand on l'ouvre, on entre dans une nouvelle complexité.
En même temps, si la porte n'est pas ouverte, rien ne peut se passer.
J'encourage les professionnels à persévérer dans cette dynamique et à intégrer, finalement, ces nouveaux gestes professionnels dans leurs pratiques.
Ils vont s'en trouver énormément enrichis.